13 August 2012

Les sangliers - 5ème partie

Sans attendre, je me tourne vers les quatre parents:
- "C'est le moment de foncer, partez!". Vanessa ôte les casques des garçons. Marc et Sylvia passent les premiers. La barrière est haute mais pas insurmontable pour des adultes. Thierry leur passe les deux garçons puis aide Vanessa. Une fois de l’autre côté, ils nous lancent un regard complice et s'enfoncent dans les buissons. La nuit est déjà tombée. Leurs corps disparaissent en quelques secondes. 
Sophie court dans la cuisine prendre le couteau que Marc serrait quelques minutes plus tôt. C'est comme si ils n'avaient jamais été là. 
Verre brisé
Pan pan pan. Les trois balles qui traversent la porte passent à quelques centimètres de moi et font exploser la table en verre. Je m'accroupis et sans réfléchir m'empare d'un morceau brisé. Il me coupe la main mais grâce à l’adrénaline je résiste à la douleur. Frank pousse violemment la porte et se tourne vers Sophie. Il s'apprête à tirer quand j'enfonce l'éclat dans son pied. Les simples tongs qu'il porte me facilitent la tache mais le débris a du mal à transpercer les os de son pieds. Je dois appuyer de toutes mes forces pour qu'il s'enfonce. Prit de douleur, Frank baisse son arme mais ne la lâche pas. Je me recule et me cache derrière la porte pour éviter un coup de feu imminent. Sophie profite du chaos pour lancer hystériquement tout ce qu'elle trouve à la tête du tueur. Lorsqu'il lève son arme, elle s'abaisse derrière le bar de la cuisine. Ses pensées défilent à 100 à l'heure. « Comment sortir d'ici? Les autres doivent être à l'abri maintenant. Pourquoi la police n'a-t-elle pas donnée l'assaut ? On est deux mais il a une arme ». C'est alors qu'elle a une idée. 
Frank est toujours dans l'encadrement de la porte. Je la repousse violemment. Il vacille et cette fois lâche son arme. Ca me laisse le temps de rejoindre Sophie derrière le bar.
-"On va sortir. Ici on est en infériorité numérique mais pas dehors" chuchote-t-elle.
-"Qu'est-ce que tu veux dire? Il n'y a pas de flics ici".
-"Regardes dehors, je ne parle pas des flics" lance-t-elle avec un étrange sourire. Je plonge mes yeux dans la nuit noire et comprends son allusion. Comme chaque soir, ils sont là. Et ce soir, nous serons tous du même côté de la barrière.
-"Le temps qu'on saute, il va nous tirer dessus" je pointe.
-"Dans tous les cas, il le fera" elle tire un deuxième couteau et le jette sur Frank qui vient de se relever. Il frôle son bras mais ne le blesse pas. Alors qu’il se penche pour ramasser son arme je passe les portes vitrées et m'élance par-dessus la barrière. Lorsque mon pied se pose au sol, une douleur cinglante me traverse. Je crois à une mauvaise réception. Quand je pose les yeux sur mon pied ensanglanté, je comprends qu'il m'a tiré dessus. J'ai du mal à me relever et perds beaucoup de sang. De son côté, Sophie s'apprête à faire son 2ème lancer de couteau.  Il se plante dans le bras gauche de Frank qui hurle de colère. A son tour, elle profite de ces quelques secondes d'inattention pour franchir la barrière. 
-"Tu les as vu ?" me demande-t-elle essoufflée allongée à mes côtés. J'ai du mal à me concentrer mais réponds automatiquement,
-"oui, là à droite". J'entends leur râle. Je regarde autour de moi à la recherche d'un abri. Il y a une bouche d’écoulement des eaux, je m'y glisse. "Tu restes là, je m'en occupe" assures Sophie. 
Frank passes à son tour par-dessus la barrière. Sa blessure le ralentit. Sitôt sur ses pieds il tire son arme de son pantalon mais il n'a pas le temps d'enlever la sécurité que Sophie est sur lui. Elle le roue de coups comme un âne déchainé. Elle manque de technique mais sa méthode est efficace. Frank, qui n'avait pas repris ses esprits est bombardé. Il tombe à terre. Sophie remonte la barrière et retourne s'enfermer dans l'appartement. Frank commence à se relever. C'est maintenant ou jamais. 
Leur râle devient de plus en plus fort. Ils arrivent. C'est leur territoire, le bruit et l'odeur du sang ont dû les énerver. Avec son bras et son pied blessés, Frank a du mal à se redresser. Il n'en a pas le temps. En quelques secondes, la plus grosse laie du groupe fonce sur lui. Les 60kg de muscles lui broient les os. Frank hurle de douleur. Il cherche à ramper mais le groupe ne lui en laisse pas le temps. Les petits commencent à se nourrir de ses plaies alors que leurs mères finissent de le piétiner. C'est sans voix que nous assistons au spectacle horrifique. Le tueur meurt en quelques minutes. Sous la charge des sangliers.
                                                                                                                                                        FIN 

Sangliers en bas de la terrasse

2 August 2012

Les sangliers - 4ème partie

-"Il est chez vous n'est-ce pas?
-"Oui, vous le connaissez? Qu’est qu’il se passe?" me demande Sophie. 
C'est Thierry qui lui répond. Il jette un œil vert sur les enfants et fait quelques pas pour s'éloigner du canapé.  Les deux garçons ne lèvent pas les yeux de leurs écrans respectifs. Sophie remarque qu'ils portent des tenues de foot. Ils devaient être prêts à partir pour leur entrainement.
Georgette sur la terrasse
-"Il s'appelle Frank, c'est notre voisin du dessus. On l'a entendu avoir une grosse dispute avec Jeanne, sa femme. Ça leur arrivait souvent, il était plutôt du genre jaloux mais jamais rien de violent. Quand on a entendu le coup de feu..." Il s'arrête, se retourne vers sa famille comme pour vérifier qu'ils sont toujours là, puis reprend. "On a tout de suite appelé la police mais on pensait pas qu'il s'en prendrait aux autres. Vanessa - dit-il en désignant sa femme du regard - était au téléphone avec Tania quand il l'a tué. On devait manger chez elle ce soir. Elle venait de faire les courses et l'a appelé pour nous dire que ça serait prêt dans trente minute. On a voulu sortir mais pas moyen. Syd nous a vu et nous a fait entrer. Au final, cet appart, c'est notre seule chance de sortir. 
-Qu'est-ce que vous voulez dire?" Sophie est bien déterminée à s'en sortir. Et cet homme lui dit que la sortie c'est ici. Elle veut en savoir plus.
Là c'est moi qui interviens. 
-"C'est simple. C'est le rez-de-chaussée. Il  suffit de sauter par-dessus la barrière et de fuir par la forêt.
-Mais la barrière est trop haute, les enfants ne pourront pas passer par-dessus. Il vous verrait tout de suite, c'est suicidaire.
-Pas si un de nous fait diversion"
Elle ne comprend pas immédiatement ce que je veux dire. Puis son visage se tord. Elle me regarde et comprend ma colère.
-"Mais la police va arriver" ajoute-t-elle.  
-"Il est dans l'appartement d’à côté. Lequel des deux arrivera en premier à votre avis?
-J'imagine que c'est vous qui allez le faire.
-Qui d'autre? Les enfants, leurs parents? Je suis le seul électron libre.
-Etais.
-Ce qui veut dire?
-Qu'a deux on a plus de chance de s'en sortir"
Porte qui claque, bruits de pas dans le couloir. Frank rentre chez les voisins de Sophie toujours empli de fureur. Il cogne ses larges épaules à l'étagère de l'entrée. La pousse violement de colère. Son contenu se vide bruyamment alors qu'elle vient frapper le mur d'en face. Il veut savoir avec qui elle l'a trompé. Le petit brun du rez-de-chaussée? L'Espagnol du deuxième? Le sportif blondinet du troisième? Qui? Et pourquoi? Pourquoi a-t-elle fait ça? Pourquoi l'a-t-elle forcé à faire ça? Il ne voulait pas la tuer mais quel choix avait-t-il? Plutôt être veuf que cocu. 
Il recommence le même manège. Passe par toutes les pièces. Fouille tous les tiroirs. Il va bien trouver quelque chose! Mais il n'y a rien. Rien nulle part. Comme chez la pétasse d'a côté. Il l’imaginait bien pousser Jeanne à draguer d'autre mecs. Plus beaux, plus riches. Il ne lui avait jamais parlé mais il l'avait vu par la fenêtre avec ses petites robes et sa petite bouche. Encore une allumeuse ça. 
Dans l'appartement du bout. Les six adultes se sont figés en entendant un énorme fracas. Apres plusieurs minutes de silence, c'est Sophie qui coupe les ailes de l'ange.
- "Je ne le connais même pas.
- Nous non plus" interviennent Marc et Sylvia jusque-là silencieux. "On ne lui a rien fait pourquoi il ne nous laisse pas tranquille" s'exclame-t-elle. Ses cheveux frisés courent le long de ses épaules brunes accentuant la chute de sa robe sur son corps ondulé. 
- "Parce qu’il a pété un câble et qu'il pense que la terre entière est contre lui" explique Thierry.
- "Il ne doit pas sortir de cet immeuble" j’affirme. 
- "Alors il nous faut un plan" conclut Sophie. La détermination couvre toujours son visage fin tel une déformation. Comme si son visage habitué à la douceur ne savait que faire de ce nouveau sentiment.
Tous avons la même pensée pour les enfants qui jouent dans la rue, les nombreuses familles qui habitent le village.
Prenez garde à la porte ouverte
 Tour à tour, Sophie et moi jetons un œil dans le judas. Dehors, un petit chat de gouttière s'étire. Vanessa le fixe. Comme nous tous elle aimerait être de l'autre côté de cette fenêtre et pouvoir se faufiler entre les barres hautes de la barrière. Je suis moi aussi plongée dans mes pensées quand Sophie attrape ma main d'un coup sec.
Frank est en train de fouiller une petite boite rouge. Ses yeux fins scrutent le contenu : tickets de parc d'attractions, photos souvenir et lettres. Son esprit vagabonde. Quelque chose le turlupine mais il n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Subitement il s'arrête. C'est la porte.
Quand il est allé chez l'allumeuse, la porte de cet appartement était fermée mais quand il en est ressortit elle était ouverte. Il y avait quelqu'un d'autre ici. Quelqu'un qui ne doit pas être bien loin.
-"Il vient de ressortir" chuchote Sophie sans détourner les yeux. Elle le fixe. Une seule pensée occupe son esprit. "Pourvu que le visage de cet homme ne soit pas le dernier que je vois".
                                                                                                                                        
                                                                                                                                               A suivre....